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HENRY DUNBAR

viez savoir quel chagrin votre conduite m’a causé !

Il lui tendit les bras, mais à sa profonde surprise la jeune fille s’éloigna de lui. Elle recula avec un regard plein d’horreur, et se blottit contre le mur, comme si son désir le plus grand eût été d’éviter le moindre contact avec lui.

Clément fut effrayé de la pâleur livide de son visage et de la fixité du regard de ses grands yeux noirs. Le vent glacial avait dénoué ses cheveux et les avait ramenés tout épars sur son front. Son châle et sa robe étaient mouillés par la neige fondue ; mais le jeune homme prit à peine garde à cela. Il ne voyait que sa figure ; son regard était fasciné par la terrible pâleur de la jeune fille et l’étrange expression de ses yeux.

— Ma chérie, — lui dit-il, — venez dans le salon. Ma mère a été presque aussi en peine que moi. Venez, Margaret ; ma pauvre enfant, je puis juger d’après ce que je vois que cette entrevue a été au-dessus de vos forces. Venez, mon amie.

Une fois encore il s’approcha d’elle, et de nouveau elle s’éloigna de lui, et se traîna le long de la muraille, les yeux toujours fixes.

— Ne me parlez pas, Clément, — lui cria-t-elle, — ne m’approchez pas. Il y aune souillure trop profonde en moi. Je ne suis pas faite pour associer ma vie à celle d’un honnête homme. Ne m’approchez pas.

Il aurait voulu la serrer dans ses bras et la consoler par des paroles tendres et douces ; mais il y avait quelque chose dans ses yeux qui le maintenait à distance comme s’il avait été fixé au sol à l’endroit même où il se tenait.

— Margaret ! — s’écria-t-il.

Il la suivit, mais elle se recula encore de lui, et, comme il étendait la main pour lui saisir le bras, elle s’échappa subitement et se dirigea vivement vers l’autre bout du corridor.