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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

Oh ! non, non ; cela n’était pas possible. Si cet homme était coupable, son crime avait été prémédité avec soin et exécuté avec une ruse tellement diabolique, que jusqu’alors rien n’avait transpiré. Dans sa maison même, entouré de serviteurs curieux, il n’oserait jamais recourir envers la jeune fille, non-seulement à de mauvais traitements, mais même à de dures paroles.

Mais malgré ces réflexions, Clément résolut de ne pas attendre plus longtemps. Il se mit aussitôt en route pour l’abbaye, afin de savoir la cause de ce retard. Il sonna, entra dans le parc, et courut le long de l’avenue jusqu’au porche. Des lumières brillaient aux fenêtres de Dunbar, mais la grande porte du vestibule était soigneusement fermée.

Le valet languissant vint répondre à l’appel de Clément.

— Il y a une jeune fille ici, — dit Clément hors d’haleine ; — une jeune fille… avec M. Dunbar.

— Ho ! est-ce là tout ? — demanda le valet d’un ton sarcastique ; — j’ai cru que le feu était aux quatre coins de Shorncliffe pour le moins, à la manière dont vous avez sonné. Une jeune personne était avec M. Dunbar il y a de cela une heure, est-ce là ce que vous voulez savoir ?

— Il y a une heure ! — s’écria Clément, ne prenant pas garde à l’impertinence du domestique, tellement il était inquiet ; — voudriez-vous dire que cette jeune personne est partie ?

— Elle est partie il y a une heure.

— Elle s’est éloignée d’ici il y a une heure ?

— Plus d’une heure !

— Impossible ! — dit Clément ; — impossible !

— Cela se peut, — répondit le valet qui avait une tournure d’esprit ironique ; — même je lui ai ouvert la porte de mes propres mains, et je l’ai regardée s’en