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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

avait ordonné de le conduire aussi vite que possible à la station de Shorncliffe ; mais en arrivant, il se trouva qu’il était trop tard pour prendre le train que le gentleman voulait prendre, car il revint à la voiture en boitant beaucoup, et dit à l’homme de le conduire à Maninsgly. Le cocher apprit à Carter que Maninsgly était un petit village à trois milles de Shorncliffe par un chemin de traverse. Arrivé là, le gentleman au pardessus garni de fourrure était descendu dans une auberge, où il avait dîné, et il avait lu les journaux en buvant des grogs jusqu’à une heure passée. Il avait tout à fait l’air d’un gentleman, il avait payé le dîner et le grog du cocher aussi bien que le sien. À une heure, il était remonté en voiture et s’était fait conduire à la station de Shorncliffe. À deux heures cinq minutes, il était descendu à la station, avait payé le cocher et l’avait congédié.

C’était tout ce que Carter voulait savoir.

— Attelez aussi vite que possible, — dit-il, — et vous me conduirez à la station de Shorncliffe.

Tandis qu’on préparait le cheval, il entra dans l’auberge et se fit servir un grog chaud. Il avait coutume de boire les liquides bouillants, attendu qu’il passait son existence à courir de ville en ville, absolument comme il faisait maintenant.

— Sawney a eu la main heureuse cette fois, — pensait-il. — S’il allait me trahir et toucher la prime à ma place.

Cette idée était désagréable, et Carter se prit à réfléchir pendant une minute ou deux ; mais un singulier sourire ne tarda pas à reparaître sur son visage.

— Sawney me connaît trop bien pour cela, — se dit-il à lui-même, — Sawney me connaît trop bien pour tenter un coup pareil.

Le véhicule sortit de la cour pendant que Carter ré-