— Il faut que je parte, — s’écria Sampson, — donnez-moi votre adresse, Joseph, et je vous écrirai.
— Oh, je n’en doute pas, — répondit son frère d’un ton narquois, — mais je ne me laisse pas prendre au piège. Je vous ai retrouvé, mon riche et respectable frère, et je ne vous lâche pas. Où allez-vous ?
— À Southampton.
— Que faire ?
— Attendre l’arrivée de Henry Dunbar.
La figure de Joseph devint livide de rage.
Le changement qui s’opéra en lui fut tellement soudain et terrible à voir que le vieux commis recula comme s’il avait vu un revenant.
— Vous allez à sa rencontre, dit Joseph d’une voix rauque, — il est donc en Angleterre ?
— Non ; mais il doit arriver prochainement. Pourquoi cette figure colère, Joseph ?
— Pourquoi cette figure colère ? — répéta le cadet. — Êtes-vous donc devenu tellement machine, instrument en chair et en os des hommes que vous servez, que tout sentiment humain soit éteint en vous ! Bah ! comment des gens de votre espèce comprendraient-ils ce que j’éprouve. Entendez-vous, la cloche sonne… je vais avec vous.
Le train était sur le point de partir, les deux frères coururent sur le quai.
— Non ! non ! — s’écria Sampson en voyant son frère entrer après lui dans le wagon, — non !… non ! Joseph, ne venez pas avec moi… ne venez pas avec moi !
— J’irai avec vous !
— Mais vous n’avez pas de billet.
— Je puis en prendre un… ou plutôt vous pouvez m’en prendre un, car je n’ai pas d’argent… à la première station que nous rencontrerons.
Pendant ce temps ils s’étaient assis dans un compartiment de deuxième classe. Le contrôleur des billets,