à toute émotion violente, et ce fut en quelques mots très-simples qu’elle fit le récit de sa vie.
— Joseph Wilmot était mon père, — dit-elle. — Peut-être n’était-il pas ce que le monde appelle un bon père, mais je sais qu’il m’aimait et qu’il m’était bien cher. Ma mère était la fille d’un gentleman, capitaine de la Marine royale, qui se nommait Talbot. Elle fit la rencontre de mon père dans la maison d’une dame chez qui elle prenait des leçons de musique. Elle ne sut pas qui il était ou ce qu’il était. Elle sut seulement qu’il se nommait James Wentworth, mais comme il l’aimait elle lui rendit amour pour amour. Elle était très-jeune, presque une enfant encore, à peine sortie du pensionnat, et elle épousa mon pauvre père malgré les conseils de ses amis. Elle se sauva de la maison paternelle un beau matin, fut mariée secrètement dans une petite église perdue de la Cité, puis retourna chez elle avec mon père pour confesser ce qu’elle avait fait. Son père ne lui pardonna jamais ce mariage secret. Il jura qu’il ne la reverrait plus à partir de ce jour, et il tint parole. Il ne la revit que lorsqu’elle fut morte et déposée dans son cercueil. À la mort de ma mère, le cœur du capitaine Talbot fut touché ; il parut pour la première fois à la maison de mon père, et offrit de m’emmener avec lui pour me faire élever avec ses plus jeunes enfants. Mais mon père se refusa à cette demande. Il regrettait amèrement ma pauvre mère, bien que j’aie entendu dire que sa conduite envers elle n’avait pas toujours été exempte de blâme. Mais je me souviens à peine de cette triste époque. Depuis ce moment notre existence devint errante et malheureuse. Parfois nous étions pendant un certain temps un peu plus à notre aise. Mon père trouvait un emploi, travaillait avec ardeur, et nous vivions parmi des gens respectables. Mais bientôt, trop tôt hélas ! tout nouvel espoir d’une existence honnête lui était ravi. Ses pa-