Le banquier acceptait assez tranquillement cette explication de la pâleur de sa fille ; mais il n’était pas moins inquiet : inquiet, il savait peine pourquoi ; mais l’ombre d’un sombre nuage s’appesantissait sur lui et rien ne pouvait la chasser.
Ce long jour d’août se dévora ainsi lui-même, et le soleil bas, brillant dans un nuage lugubre derrière les arbres de Mellish Park jusqu’à ce qu’il rendît cet étang, à côté duquel l’homme assassiné était tombé, semblable à une mare de sang, annonça qu’un autre jour de veille et d’inquiétude était près de commencer.
Mellish, trop inquiet pour rester assis au dessert, avait été sur la pelouse : il était accompagné de son infatigable gardien, Bulstrode ; il s’occupait à parcourir de haut en bas l’herbe tendre et les corbeilles de fleurs de Dawson, regardant toujours vers le sentier qui menait à la maison, et murmurant des anathèmes contre l’agent retardataire.
— Encore un jour qui est près de finir, le ciel en soit loué, Talbot ! — dit-il avec un sourire impatient ; — je me demande si demain nous conduira plus près de ce que nous désirons ? Qu’arrivera-t-il si cela dure longtemps ? Qu’arrivera-t-il jusqu’à ce qu’Aurora et moi soyons devenus fous par cette misérable anxiété et cette attente ? Oui, je sais que vous pensez que je suis un fou et un lâche, Talbot ; mais je ne peux pas supporter cela tranquillement, je ne le peux pas. Je sais qu’il y a des gens qui peuvent garder leur peine pour eux et souffrir sans se plaindre ; je ne le peux pas, moi. Il faut que je pleure quand je souffre, ou je me briserais la cervelle contre le premier mur que je rencontrerais pour faire une fin. Pensez que tout le monde peut soupçonner ma chérie !… pensez qu’ils peuvent croire qu’elle est…
— Pensez que vous l’avez cru vous-même, John ! — dit gravement Bulstrode.
— Ah ! c’est ma peine la plus cruelle, — s’écria John. — Si moi… qui la connais, et qui l’aime, et qui crois en elle, comme jamais un homme n’a cru en une femme ; si j’ai pu être effrayé et rendu fou par cet horrible enchaîne-