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AURORA FLOYD

vers quelques-uns de ces canaux tortueux qui conduisent tout au dehors de chaque maison.

— Venez vous promener avec moi, John, — dit Talbot d’un ton impératif. — Mettez votre chapeau et venez dans le parc ; vous êtes le plus agréable gentilhomme auquel j’aie jamais rendu visite, et l’attention que vous accordez à vos hôtes est vraiment quelque chose de remarquable.

Mellish ne fit aucune réponse à ce discours. Il se tint devant son ami, pâle, silencieux et triste. Il ne ressemblait pas plus au cordial châtelain que nous avons connu qu’il ne ressemblait au vicomte Palmerston ou à lord Clyde. Il était complétement transformé par quelque grand chagrin qui pesait sur son esprit : et ayant une organisation pleine de droiture, il lui était impossible de cacher son inquiétude.

— John, John ! — dit Talbot, — nous avons été petits garçons ensemble à Rugby, et nous nous sommes battus l’un contre l’autre dans une douzaine de luttes enfantines. Est-ce bien à vous de me retirer votre amitié à présent, quand je suis venu dans le dessein d’être votre ami… le vôtre et celui d’Aurora ?

Mellish détourna la tête, quand son ami prononça ce nom familier, et ce geste ne fut pas perdu pour Bulstrode.

— John, pourquoi me refusez-vous votre confiance ?

— Je ne refuse pas. Je… Pourquoi êtes-vous venu dans cette maison maudite ? — dit Mellish vivement ; — pourquoi êtes-vous venu ici, Talbot ? Vous ne savez pas la fièvre qui règne dans cet endroit et qui s’empare des personnes qui l’habitent, ou vous n’y seriez pas plus venu que dans une ville frappée de la peste ? Savez-vous que quand moi et… et… ma femme… nous allons le dimanche à l’église, les gens que nous connaissions se détournent comme si nous avions le typhus ? Savez-vous que la foule maudite vient de Doncastre pour regarder à travers les palissades du parc, et que cette maison est un spectacle pour la moitié du West Riding ? Pourquoi venez-vous ici ? Vous serez regardé et bafoué, et couvert d’opprobre… vous qui…