dent après trois reprises, ou l’amputation d’un membre.
— Mellish a été dix fois plus sage que moi, — pensa Bulstrode ; — il s’est fié à son instinct et a reconnu une femme fidèle quand il l’a rencontrée. J’avais l’habitude de me moquer de lui à Rugby, parce qu’il ne pouvait traduire Cicéron. Jamais je n’aurais cru qu’il serait devenu plus sage que moi.
Bulstrode plia le Times et le déposa sur une place vide à côté de lui. Lucy ferma le troisième volume de son roman. Comment aurait-elle pu avoir envie de lire, quand il plaisait à son mari de cesser de le faire !
— Lucy, — dit Bulstrode, prenant la main de sa femme (ils avaient un compartiment à eux, bonne fortune qui arrive souvent aux voyageurs qui donnent une demi-couronne à l’employé), — Lucy, j’ai fait jadis bien du mal à votre cousine ; aujourd’hui je désire le réparer. Si quelque malheur que personne ne peut prévenir lui arrive, je désirerais être son ami. Pensez-vous que j’aie le droit d’avoir ce désir ?
— Le droit, Talbot !
Mme Bulstrode ne put que répéter ce mot avec une excessive surprise. Comment aurait-elle pu penser autrement que son mari, qui était l’être le plus vrai, le plus sage et le plus parfait.
Tout paraissait très-tranquille à Mellish quand les visiteurs arrivèrent. Il n’y avait personne dans le salon ni dans la petite pièce qui le précédait. Les stores étaient fermés, car le jour était chaud et étouffant ; mais il n’y avait pas de livre ouvert, aucun fouillis de travaux à l’aiguille ni d’instruments à dessin qui indiquât la présence d’Aurora.
— M. et Mme Mellish vous attendaient par le dernier train, je crois, monsieur, — dit le domestique en faisant entrer Talbot et sa femme dans le salon.
— Dois-je aller chercher Aurora ? — dit Lucy. Je suis sûre qu’elle est dans sa chambre.
Talbot dit qu’il vaudrait peut-être mieux attendre que Mme Mellish vînt à eux. Lucy fut ainsi obligée de rester où elle était. Elle se dirigea vers une des fenêtres ouvertes et