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AURORA FLOYD

Il aurait pu en dire davantage, si Aurora ne l’eût interrompu en se jetant à ses genoux et en le regardant avec un visage plein d’angoisse qui semblait presque horrible à cette vague lumière de la lampe.

Il serait impossible de décrire l’horreur qui se répandit sur la figure de Bulstrode quand elle agit ainsi. C’était de nouveau la scène de Felden. Il venait à elle dans l’espoir qu’elle voudrait se justifier, et, tacitement, elle reconnaissait son humiliation.

Elle était donc coupable, c’était donc une créature criminelle, qu’il aurait dû rejeter de sa chaste maison. C’était une misérable, une malheureuse, perdue, souillée, qui ne devait pas être admise dans la sainte atmosphère de la maison d’un gentilhomme et d’un chrétien.

— Madame Mellish !… madame Mellish !… qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi me causez-vous encore une fois cette horrible souffrance ? Pourquoi persistez-vous à vous humilier, ainsi que moi, par une pareille scène ?

— Oh ! Talbot !… Talbot !… — répondit Aurora, — je suis venue vers vous parce que vous êtes bon et honorable. Je suis une femme désolée, misérable ; et j’ai besoin de votre aide… J’ai besoin de vos conseils. Je me règlerai d’après vos avis ; je le veux, Talbot ; ainsi aidez-moi, au nom du ciel.

Sa voix était brisée par ses sanglots. Dans sa douleur et sa confusion, elle oubliait qu’il était possible qu’un tel appel puisse n’avoir aucun effet sur Talbot. Mais peut-être, même au milieu de son étonnement, le jeune homme s’imagina voir quelque chose dans l’action d’Aurora qui n’avait rien de commun avec la faute, quelle qu’elle fût, dont il avait frémi de prime abord. Je crois qu’il dut en être ainsi, car sa voix et ses manières devinrent plus douces quand il s’adressa à elle.

— Aurora, — dit-il, — pour l’amour de Dieu, soyez calme. Pourquoi avez-vous quitté Mellish Park ? Quelle est l’affaire dans laquelle je puisse vous aider de mes conseils ? Dieu sait combien je désire être votre ami, car je suis un frère pour vous, vous le savez, ma chère enfant, et je ré-