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AURORA FLOYD

vous-même, ma chère Aurora ; et elle ne vous fera point de folles questions au sujet de la généalogie d’un homme comme Archibald Floyd, que le plus fier aristocrate d’Angleterre pourrait être heureux d’appeler son beau-père. Elle respectera l’âme transparente et la nature candide de mon Aurora, et elle me bénira pour le choix que j’ai fait.

— Je l’aimerai très-tendrement si seulement elle me permet de l’aimer. Aurais-je jamais songé aux courses et lu des journaux de sport, si j’avais pu donner le nom de mère à une femme pleine de bonté ?

Elle semblait se poser cette question plutôt à elle-même qu’à Talbot.

Toute complète que fût la satisfaction de Floyd, en voyant la manière dont sa fille avait disposé de son cœur, le vieillard ne pouvait envisager d’un œil calme l’idée de se séparer de cette fille idolâtrée. Aussi Aurora dit à Talbot qu’elle ne pourrait jamais aller se fixer dans le pays de Cornouailles, tant que vivrait son père ; et il fut, en définitive, convenu que le jeune couple passerait la moitié de l’année à Londres, et l’autre moitié à Felden. Quel besoin avait le veuf, vivant tout seul, de ce vaste manoir avec sa longue galerie de tableaux et son enfilade d’appartements magnifiques et confortables, dont chacun, était assez spacieux pour loger une petite famille ? Quel besoin avait un vieillard isolé de ce train de domestiques, de ces écuries pleines de chevaux de prix, de ces voitures à la nouvelle mode sous les remises, de ces fleurs de serre, de ces ananas, de ces raisins et de ces pêches cultivés par trois jardiniers écossais ? Quel besoin avait-il de tout cela ? Il habitait principalement le cabinet où il avait eu un jour une entrevue orageuse avec sa fille unique, où était appendu à la muraille le portrait au pastel d’Éliza, où se trouvait un vieux pupitre qu’il avait acheté une guinée dans son enfance, et qui renfermait certaines lettres écrites de la main d’une personne qui était morte, et une carte imprimée dans une petite ville du comté de Lancastre, invitant les amis et protecteurs d’Éliza Percival à venir au théâtre assister à la représentation du 20 août 1837, donnée à son bénéfice.