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AURORA FLOYD

de la salle. Il avait accepté la coupe de bang que la sirène lui avait offerte, et il l’avait bue jusqu’à la lie ; il était enivré. Il se jeta dans le fauteuil sur lequel Aurora s’était assise, et, dans la distraction de sa joyeuse ivresse, il ramassa le journal qui était étendu à ses pieds. Il frissonna malgré lui en regardant le titre : c’était le Bell’s Life. C’était un numéro sale, chiffonné, maculé de taches de bière, et répandant une odeur infecte de mauvais tabac. Il était adressé à Mlle Floyd ; l’adresse était écrite dans un griffonnage et avec une orthographe qui aurait déshonoré un garçon de cabaret.

« Mamzelle Floyd
« Fell dun wodes,
« Kentg. »

Le journal avait été renvoyé à Aurora par la femme de charge de Felden. Talbot jeta avidement les yeux sur la première page ; elle était presque entièrement remplie d’annonces (et quelles annonces !) mais, dans une colonne, il y avait un article intitulé :

Affreux accident en Allemagne.
Mort d’un jockey anglais.

Bulstrode ne sut jamais pourquoi il lut le récit de cet accident. Ce n’était aucunement intéressant pour lui, attendu que c’était le compte-rendu d’une course au clocher en Prusse, dans laquelle un jockey anglais et un cheval français avaient été tués. On exprimait de vifs regrets pour la perte du cheval, mais aucun pour celle de l’homme qui le montait, et qui, disait-on, était très-peu connu dans le monde du sport ; mais, dans un paragraphe un peu plus bas, on ajoutait ce renseignement, qu’on s’était évidemment procuré au dernier moment :

Le jockey se nommait Conyers.