disait qu’il était bon enfant, il le croyait, tombait d’accord avec ceux qui le lui disaient, et s’imaginait que le monde était en somme le séjour de la franchise et de la cordialité, et que tous les hommes étaient bons. N’ayant jamais d’arrière-pensées, il n’en cherchait pas dans les paroles d’autrui ; mais il croyait que chacun exprimait sa véritable pensée, et plaisait ou déplaisait à ses semblables aussi franchement et aussi involontairement que lui. S’il eût été vicieux, nul doute qu’il n’eût tourné tout à fait mal et ne fût devenu un bandit ; mais comme il était doué d’une nature instinctivement pure et loyale, ses plus grandes folies n’étaient pas plus sérieuses que celles d’un gros écolier qui pèche par excès d’entrain. Il avait perdu sa mère un an après sa naissance, et son père était mort quelque temps avant sa majorité ; de sorte qu’il n’avait eu personne pour contrôler ses actions, et c’était quelque chose que de pouvoir, à l’âge de trente ans, se rappeler une enfance et une jeunesse sans tache, qui eussent pu être souillées de la fange des égouts et infectées de l’odeur des mauvais lieux. N’avait-il pas raison d’en être fier ?
Y a-t-il, après tout, quelque chose d’aussi noble qu’une vie pure et sans tache, un beau tableau sans aucune ombre disparate dans le fond, un poème coulant, sans le moindre vers, défectueux, raboteux, qui dépare la poésie, un livre sublime sans une page indigne, une histoire simple, bonne à donner à lire à nos enfants ? Aucune grandeur peut-elle être plus grande ? aucune noblesse peut-elle être plus vraiment noble ?
Je suis fier des deux jeunes gens qui agissent dans ce récit, par la simple raison que je n’ai à pallier aucun fait douteux dans l’histoire de l’un ou de l’autre. Je puis ne pas réussir à vous les faire aimer, mais je puis vous promettre que vous n’aurez pas lieu de rougir d’eux. Peut-être Talbot Bulstrode vous déplaira-t-il à cause de sa hautaine fierté ; John Mellish vous fera peut-être simplement l’impression d’un provincial ignorant et maladroit ; mais ni l’un ni l’autre ne vous choqueront par une parole déplacée ou par une pensée indigne.