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aussitôt qu’on a voulu les changer en devises de combat.

Cette indépendance d’esprit dont l’œuvre de Gide fait foi, tient chez lui à un grand besoin de liberté. Pour peu qu’on entre dans l’intimité de ses pensées, on découvre qu’André Gide appartient à la lignée des grands et nobles esprits qui ne veulent devoir leur bonheur qu’à eux-mêmes, et qui l’ont cherché en dehors des sentiers battus.

Au fond, le problème de la vie se pose ainsi pour chaque individu. S’il demeure éternellement vrai que, suivant le mot de Pascal, « nous mourrons seuls», [1]il n’en est pas moins vrai qu’au plus profond de notre être nous vivons seuls et que personne ne peut nous aider à vivre. L’énigme de l’existence surgit devant nous de telle sorte que nous seuls pouvons la résoudre. [2]

Et si, comme nous nous proposons de le démontrer dans cette étude, l’œuvre de Gide vaut surtout en tant qu’elle est révélatrice d’une attitude nouvelle devant la vie, elle doit nous intéresser tous également, car ses livres nous racontent l’histoire de la délivrance d’une âme. Suivre cette âme étape par étape dans son ascension douloureuse vers la

  1. Pensées, art. XIV, 1.
  2. « Nathanaël, jette mon livre ; ne t’y satisfais point. Ne crois pas que ta vérité puisse être trouvée par quelque autre…»(Les Nourritures Terrestres : Envoi).