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Ainsi, M. Eugène Montfort n’est-il pas allé jusqu’à attaquer la probité littéraire d’André Gide, en le faisant passer pour un partisan zélé de Calvin ?

Que, si l’on se demande d’où vient qu’il paraît si difficile de juger son œuvre sine ira et studio, il convient de constater tout d’abord que Gide a la terreur des partis pris et l’horreur des formules toutes faites.

« Les idées nettes sont les plus dangereuses, parce qu’alors on n’ose plus en changer, et c’est une anticipation de la mort » (Lettres à Angèle). Ailleurs, dans un article sur Dostoïevsky , [1] Gide raille spirituellement les gens à formules, qui se carrent dans leurs principes et qui se font une sorte de personnalité de n’en plus sortir, parce que les idées toutes faites sont souvent une garantie de succès et de renommée.

D’un autre côté Gide n’a jamais rien fait pour capter la faveur d’un public ,, friand de fadaises" {Préface de V Immoraliste).

Il n’est pas l’homme d’une chapelle littéraire. Aucune coterie ne peut se vanter d’avoir réussi à l’enrôler sous sa bannière. Partisan de toutes les tendances généreuses, Gide s’en est détourné.

1) Grande Revue no. X, 25 mai 1908, p. 31 1 : « Pour faire réussir une idée il ne faut mettre en avant qu’elle seule ; ou si l’on préfère : pour réussir il faut ne mettre en avant qu’une idée ».

  1. 1) Grande Revue no. X, 25 mai 1908, p. 311 : «Pour faire réussir une idée il ne faut mettre en avant qu’elle seule ; ou si l’on préfère : pour réussir il faut ne mettre en avant qu’une idée".