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ple dérivent des soins de l’horticulteur ou de l’apiculteur. Et la beauté d’un paysage naturel n’est sans doute beauté que grâce à une mythologie masquée qui nous suggère l’idée plus ou moins vague d’un ordonnateur de la nature.

Ce sont ces techniques qui expliquent l’affirmation très répandue du pluralisme irréductible des valeurs. Selon une remarque de M. Jean Wahl, pour éprouver fortement une valeur (ce qui est le cas du technicien dont la valeur exige toute l’activité), il faut se fermer aux autres ; c’est de cette manière que, par l’œuvre, la valeur pénètre en quelque sorte dans le réel. Ce pluralisme va d’ailleurs très loin ; en l’affirmant, on veut dire en effet non seulement qu’il y a des espèces diverses de valeur, mais qu’une même espèce de valeur s’incarne sous des formes extrêmement diverses et exclusives les unes des autres : l’histoire des arts et celle des mœurs, mais tout aussi bien l’histoire des sciences nous montrent avec évidence quelles orientations différentes peut donner à l’homme la recherche de chacune de ces trois valeurs, le vrai, le beau, le bien : c’est même une loi des valeurs que chacune des formes qu’elle prend meure peu de temps après sa naissance ; une école d’art, si elle persiste, tombe vite dans le convenu et disparaît dans la satiété ou l’indifférence.