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C’est proprement contre cette prétention de l’idéalisme que proteste la philosophie religieuse en affirmant une transcendance. Mais encore cette affirmation se présente-t-elle sous deux formes assez différentes, d’une part sous l’aspect du thomisme, d’autre part sous l’aspect de l’augustinisme.

Le néothomisme, très brillamment représenté en France par M. Maritain et par M. Gilson, qui est désigné dans un volume récent comme « le philosophe de la chrétienté », reprend en effet dans l’essentiel la tâche que saint Thomas avait essayé de résoudre au xiiie siècle ; découvrant dans l’aristotélisme, qui était jusqu’alors inconnu en Occident, une philosophie qui était le produit autonome d’une raison non éclairée par la foi, saint Thomas eut la très grande audace de l’introduire dans la chrétienté. Le thomisme est avant tout une doctrine de hiérarchie qui a pour but de mettre à la place due toutes les activités humaines en les ordonnant par rapport à la fin dernière, révélée par le Christ, qui est le salut et la béatitude éternelle. On voit donc le sens que prend la transcendance dans cette doctrine. L’ordre ne peut venir que d’en haut. Pourtant ce qui fait que cet ordre n’est pas arbitraire, c’est, semble-t-il, un trait qui a été souligné par M. Gilson dans sa dernière édition du thomisme : c’est le rôle primordial