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de sensations ne pourra expliquer les faits complexes de l’esprit ; de même ici, il y a une lacune impossible à combler entre des consciences, individuelles par elles-mêmes, non sociales, et la conscience collective.

C’est cette lacune que la sociologie de nos jours a le grand mérite de faire disparaître : en thèse générale, elle montre que l’individu, pris concrètement, a par lui-même une structure sociale et, pour employer un mot de Marcel Mauss, que l’homme total a en lui tout ce que possède la société totale.

Ce ne sont pourtant pas les sociologues, ce sont les psychologues qui ont ici frayé la voie, en traitant du problème de la connaissance d’autrui, comme l’admet M. Cuvillier dans son récent Manuel de sociologie[1]. La psychologie traditionnelle enseignait que la connaissance d’autrui était le résultat d’un raisonnement par analogie, partant de la ressemblance des comportements d’autrui avec les nôtres ; l’induction irait donc de la connaissance de notre moi à celui d’autrui. Mais déjà à la fin du siècle dernier le psychologue Baldwin démontrait que l’enfant n’avait conscience de son propre moi qu’après avoir pris connaissance du moi d’autrui ; l’autrui qui est pour lui le centre de réactions en rapport

  1. P. U. F., 1950.