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d’un nombre toujours croissant de sociologues contemporains en disant que « les termes individu et société sont d’une extrême ambiguïté et que cette ambiguïté subsistera fatalement si l’on s’obstine à considérer ces deux termes comme étant antithétiques ». M. Gurvitch fait toutefois une réserve remarquable : le débat est clos, dit-il, « pour autant du moins qu’il pourrait intéresser le sociologue » : c’est dire que la sociologie se désintéresse du conflit entre individu et société tel qu’il se présente dans la vie économique ou politique ou du moins du côté pratique et pour ainsi dire affectif du conflit.

Laissant de côté ces derniers aspects du conflit, cherchons comment il a paru aux sociologues français et américains être un pseudo-problème. Ce qui fait difficulté dans la doctrine de Durkheim comprise un peu étroitement, c’est que l’individu y est conçu comme une sorte de matière malléable au gré de la conscience collective ou, si l’on veut, de marionnette dont cette conscience tire les fils ; il n’apparaît que comme patient, comme subissant une discipline dont il n’est à aucun degré l’auteur. En un mot la société a bien une structure, mais l’individu n’en a pas. Il en est de l’individu, atome social, comme de la sensation, fait élémentaire, dans la psychologie de Condillac : selon la critique de la psychologie de la forme, aucun groupement