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ses exécutants. Comprenons-en bien la raison ; l’idée des rapports de l’homme à l’histoire n’a été introduite dans la pensée occidentale qu’avec le christianisme : la pensée grecque ignore l’homme historique : sa conception familière du temps est celle du temps cyclique qui se recourbe sur lui-même ; dans ces conditions, il n’y a pas véritablement d’avant et d’après ; l’homme est indifférent à une histoire qui ne change en rien sa destinée ; l’acceptation du destin, recommandée par les Stoïciens, et l’élimination de l’historicité vont ensemble. Avec le christianisme, tout change : alors s’introduit un temps structuré, un véritable progrès, un avant et un après, un passé qui va de la création à la chute, de la chute à la rédemption, un avenir qui va de la rédemption à la fin des temps ; le temps a enfin un sens grâce à l’histoire sacrée qui soutient l’histoire profane. Et, qui plus est, cette histoire a son sens pour chaque croyant puisque l’histoire universelle se reflète en la subjectivité de chacun d’eux, chez qui le péché est, par l’espoir de la grâce, renvoyé en quelque sorte dans le passé : histoire extérieure et objective, histoire intérieure et subjective s’impliquent et se complètent l’une l’autre.

Il est certain que les philosophies de l’histoire du xixe siècle sont en étroit rapport avec cette conception chrétienne du temps ; elles aussi,