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rétiniennes des objets. C’est là une vue purement a priori et arbitraire. Dans un autre domaine, celui de l’action, la psychologie de la forme fait voir à quelles complications impossibles on arrive si on fait de l’instinct une chaîne d’actes réflexes, ce qui supposerait des connexions anatomiques existant, d’avance ; or pareille thèse est incompatible avec les faits bien établis de la plasticité de l’instinct ; l’oiseau qui construit un nid ne fait pas une série de mouvements qui s’engendrent les uns les autres ; il suit un plan qui admet toutes sortes de variantes. Mais c’est en particulier l’étude de l’intelligence qui a été libérée par cette psychologie de la forme ; les psychologues de l’ancienne méthode paraissaient assez disposés à laisser cette étude à la logique et à la théorie de la connaissance ; ils n’allaient guère plus loin qu’à des phénomènes intellectuels élémentaires ; il leur était à vrai dire impossible de passer des consécutions empiriques aux jugements réfléchis et des similitudes d’images aux idées et aux catégories universelles : la psychologie d’analyse s’arrêtait devant ces problèmes. Les études de Jean Piaget, inspirées par l’esprit sinon par la lettre de la psychologie de la forme, manifestent, mieux que tout autre ce qu’elle apportait de nouveau[1]. Il se pose le problème

  1. Psychologie de l’intelligence, Paris, A. Colin, 1947.