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Gabriel Marcel ; dans les deux cas, le moi est en scène ; mais chez Amiel, le moi revenant sur lui-même et ne voulant pas se quitter retombe à tout moment dans son propre vide ; d’où cette impression de ressassement perpétuel qui ne peut s’atténuer que par le récit de quelque événement extérieur. Au contraire, les analyses de Gabriel Marcel, qui est d’ailleurs pleinement original et indépendant de Husserl, sont enrichissantes parce qu’il envisage le moi concret, qui n’existe que dans son rapport avec une réalité qui le dépasse : c’est un axiome de cette philosophie que toute conscience est, comme on dit, intentionnelle, c’est-à-dire vise un objet, et un objet qui n’est pas un état intérieur mais qui est lui-même présent. L’analyse phénoménologique n’est que l’analyse de ces visées.

2o Ce que l’on ne trouve pas non plus dans ces philosophes, ce sont les préliminaires considérés naguère comme indispensables, et en particulier cette théorie de la connaissance qui doit définir a priori les puissances et les limites de notre esprit. Déjà Bergson l’avait condamnée ; et ce qui frappe chez lui, mais encore plus chez les plus récents, c’est une sorte de prise directe des problèmes, qui nous met de suite en pleine réalité, et pour ainsi dire en pleine aventure. Philosophie et science marchent ici du même pas, refusant l’une comme l’autre de se laisser