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prendre elle-même comme fin ; sous peine de rester impuissante, elle doit se décider à croire en une réalité transcendante, qui donne un sens à sa doctrine ou plutôt qui lui crée une destinée.

La philosophie de Léon Brunschvicg manifeste sous une autre forme ce désir de conversion, et sous une forme particulièrement caractéristique. La vue des progrès inouïs de la science et des techniques, qui transforment les conditions et jusqu’au rythme de notre vie, amène à une sorte d’idolâtrie de la science et de l’industrie, considérées comme capables de satisfaire tous les besoins de l’homme. Mais, à considérer les bienfaits extérieurs de la science, on oublie le principal, à savoir le gigantesque effort de ceux qui ont inventé et inventent la science : c’est cette initiative propre au génie de l’Occident que Léon Brunschvicg considère comme la réalité spirituelle authentique. Elle consiste avant tout dans cette conscience intellectuelle dont la plus grandiose manifestation est la physique mathématique des temps modernes ; ce n’est pas en se laissant aller passivement au fil de l’expérience, ce n’est pas non plus en déduisant logiquement des propositions nouvelles de principes établis une fois pour toutes, que l’esprit humain a fait cette découverte : l’histoire de la science, où Brunschvicg prend ses témoignages, nous montre une intelligence qui est à la fois