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l’action de l’artisan qui manie la matière. Ne pouvait-on pas voir, dans l’éloge que les modernes font de l’action, le témoignage d’une décadence de l’esprit, d’une sorte de déchéance ? Pourtant le christianisme, en se répandant parmi les humbles, affirmait la valeur intrinsèque de l’action, de l’action considérée dans son principe interne qui est le travail ; et Marthe et Marie trouvaient l’une et l’autre place auprès du Seigneur. C’est ce germe spirituel que Maurice Blondel a dévoilé dans l’action ; à la voir de l’extérieur, l’action nous détache de nous-mêmes et la contemplation nous fait rentrer dans notre intimité. Mais, à voir les choses d’une manière plus profonde, l’action, par le travail, nous fait communier avec nos semblables, et la contemplation est un retranchement égoïste. Cette vue qui dégageait l’action de l’hypothèque qui pesait sur elle fut celle de Maurice Blondel. Il ne glorifia pas l’action pour ses résultats matériels, mais pour l’essence spirituelle qu’elle renferme ; ce n’est pas parce qu’elle réussit, c’est plutôt parce qu’elle ne réussit pas qu’elle est ferment de vie spirituelle ; c’est parce que son pouvoir est toujours inférieur à son vouloir, que l’homme, toujours insatisfait, cherche de nouveaux accomplissements. M. Paliard voit dans le dépassement le trait essentiel de la philosophie blondélienne. La volonté ne peut se