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certes et même indispensable si elle va à la connaissance des choses matérielles ; direction déplorable au contraire si l’on veut saisir l’esprit dans sa vie propre, dans sa liberté, dans le jaillissement de son invention ; c’est alors qu’est nécessaire l’intuition qui désigne, chez Bergson, paradoxalement, une sorte de connaissance-action ; et, d’après lui, comme d’après Spinoza et Plotin dont on peut dire sans le déprécier qu’ils sont ses maîtres, l’action véritable et profonde et la connaissance de soi sont liées indissolublement : dans l’intuition, connaître et faire sont une seule et même chose ; c’est dire que la connaissance que recherche Bergson n’erre pas, comme un regard étranger, sur les choses et sur la surface de l’âme ; mais elle nous transforme au plus profond de nous-mêmes, c’est là que naît la sagesse qui n’est pas seulement le savoir.

Même tendance chez Blondel dans sa célèbre thèse sur l’action : s’il est quelque chose qui paraît nous détourner de nous-mêmes et nous détacher de l’intériorité, c’est bien l’action. Il y a, à ce sujet, dans la philosophie occidentale, une tradition très ancienne qui remonte aux Grecs ; le philosophe grec regarde non sans mépris l’action politique qui nous jette dans un monde de phantasmes et nous détourne de la contemplation de l’être ; il met encore plus bas