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gers qui aborderent à ceſte Iſle. Ie vous prie accordez cecy auec ce qu’ils diſent, qu’auant qu’Aataeniſicfuſt tombée du Ciel, il n’y auoit point d’hõmes ſur la terre. Quoy que s’en ſoit elle enfanta deux garçons, Taȣiſcaron & Iȣskeha, leſquels eſtant deuenus grands eurent quelque pique par enſemble ; iugez ſi cela ne reſſent point quelque choſe du maſſacre d’Abel. Ils en vindrent aux mains ; mais auec des armes bien differentes ; Iȣskeha auoit le bois d’vn Cerf, Taȣiſcaron ſe contenta de quelques fruits de roſier fauuage, ſe perſuadant qu’il n’en auroit pas ſi toſt frappé ſon frere, qu’il tomberoit mort à ſes pieds ; mais il en arriua tout autrement qu’il ne s’eſtoit promis, & Iȣskeha au contraire luy porta vn ſi rude coup dans les flancs, que le ſang en ſortit en abõdance. Ce pauure miſerable ſe miſt auſſi-toſt en fuite, & de ſon ſang, dont ces terres furent arrouſées, naſquirent certaines pierres ſemblables à celles dont nous nous feruons en France pour battre le fuſil, que les Sauuages appellent encor auiourd’huy Taȣiſcaron, du nom de cet infortuné, ſon frere le pourſuiuit & l’acheua : voila ce que la pluſpart croyent de l’origine de ces Nations.