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que nous en auons aſſez ; vous diriez que Dieu voyant que nous ne ſommes icy que pour ſon ſeruice, afin que nous ne trauaillions que pour luy, nous vueille luy meſme ſeruir de pouruoyeur. Ceſte meſme Bonté ne laiſſe pas de nous donner de temps en temps quelques rafraichiſſemens de poiſſõ frais. Nous ſommes ſur le bord d’vn grãd Lac qui en porte d’auſſi bons que i’aye gueres veu, ou mangé en France ; il eſt vray, comme i’ay deſia dit, que nous n’en ſaiſons point d’ordinaire ; & encore moins de la chair, qui ſe void icy plus rarement. Les fruicts meſmes ſelon la ſaiſon, pourueu que l’année ſoit vn peu fauorable, ne nous mãquent point, les fraiſes, les framboiſes & les meures y ſont en telle quantité qu’il n’eſt pas croyable. Nous y cueillons force raiſins, & aſſez bons, les citroüilles nous durent quelquesfois les quatre & cinq mois, mais en telle abondance qu’elles ſe donnẽt preſque pour rien ; & ſi bonnes qu’eſtant cuites dans les cendres, elles ſe mangent comme on fait les pommes en France : de ſorte qu’à vray dire, pour ce qui touche les viures nous nous pouuons fort aiſement paſſer de la France ; le ſeul bled du Pays eſt vne nourriture ſuffiſante quand on y eſt vn peu habi-