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pas faire, & que le tonnerre qu’ils feignent eſtre vn oiſeau, auoit peur de la Croix qui eſtoit deuant la maiſon des François, & que ceſte couleur rouge dont elle eſtoit peinte, eſtoit comme vn feu ardent & flamboyant qui diuiſoit les nuées en deux, quand elles venoient à paſſer par deſſus.

Les Capitaines du village ayant entendu ces nouuelles me firent appeller, & me dirent : Mon nepueu, voila ce que dit vn tel, que reſponds-tu à cela ? nous ſommes perdus, car les bleds ne meuriront point. Si au moins nous mourrions par la main & les armes de nos ennemis, qui ſont preſts de venir fondre ſur nous, encor à la bonne heure, nous ne languirions pas, mais ſi eſtans eſchapez de leur fureur, nous tombons dãs la famine, c’eſt pour aller de mal en pis, qu’en penſes-tu ? tu ne voudrois pas eſtre cauſe de noſtre mort ? & puis il t’importe autant qu’à nous nous ſerions d’auis que tu abbatiſſe ceſte Croix, & que tu la cachaſſe pour vn temps ou dedans ta Cabane, ou bien dans le lac, afin que le tonnerre & les nuées ne la voyent plus, & qu’ils n’en ayent plus de peur, & puis après la moiſſon tu la replanteras. A cela ie reſpondis, Pour moy iamais ie nabbatray, ny ne cacheray la Croix