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hache, quelques couſteaux, ou meſme vne robbe de Caſtor. De iour à autre arriuoient les ames. Il y a du contentement de voir ces conuois, qui ſont quelquefois de deux & trois cens perſonnes ; chacun porte ſes ames ; c’eſt à dire, ſes oſſemens empacquetez ſur ſon dos, à la façon que i’ay dit, ſouz vne belle robbe. Quelques-vns auoient accommodé leurs pacquets en figure d’homme ornez de colliers de Pourcelaine, auec vne belle guirlande de grand poil rouge. A la ſortie de leur Village, toute la troupe crioit haéé, haé & reïteroient ce cry des ames par le chemin. Ce cry, diſent ils, les ſoulage grandement ; autrement ce fardeau, quoy que d’ames, leur peſeroit bien fort ſur le dos, & leur cauſeroit vn mal de coſté pour toute leur vie. Ils vont à petites iournées ; noſtre Village fut trois iours à faire quatre lieues, & à aller à Oſſoſſané, que nous appellons la Rochelle, où ſe deuoient faire toutes les ceremonies. Auſſi-toſt qu’ils arriuent aupres de quelque Village, ils crient encor leur haéé, haé. Tout le Village leur vient au deuant, il ſe fait encor à cette occaſion force largeſſes. Chacun à ſon rendez vous dans quelqu’vne des