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LES IDÉES LATENTES DU LANGAGE.


et de l'autre la racine indicative ta « celui-ci ». Quand je dis que bhar signifie « porter », c'est faute d'une expression plus générale, car la racine bhar, étant placée au-dessus ou en dehors de toute catégorie grammaticale, peut désigner aussi bien un porteur ou un fardeau. Si nous voulons donc traduire exactement la forme verbale bhârti, nous dirons « porter lui », ou porteur lui », ou « fardeau lui ». Quelle que soit l'interprétation que nous adoptions, nous avons deux idées juxtaposées; quant au lien qui les assemble, il est sous-entendu.

Je prends maintenant une formation nominale, à savoir le participe passé tiré des mêmes racines. Nous avons attâ « mangé », i-tâ « allé », bhr-tâ « porté ». Il est clair que ce sont les mêmes éléments disposés dans le même ordre ; bhr-tâ se compose de la racine bhar « porter, porteur ou fardeau », et du pronom ta. D'où vient cependant que le sens est tout différent ? C'est que le rapport qui assemble les deux racines est autre. Si nous appliquions à cette syntaxe intérieure les termes de l'analyse logique, nous dirions que dans bhdr-ti le pronom ta est sujet et bhar attribut ou régime, tandis que dans bhrta le pronom ta est construit en apposition avec bhar. Mais ces deux rapports existent uniquement dans notre esprit. Aucun élément formel ne les indique.

On objectera peut-être que bhr-tâ et bhâr-ti ne sont pas semblables dans leur aspect extérieur. Le participe bhr-tâ a affaibli en bhr la syllabe radicale bhâr ; au contraire, dans le présent bhârti, le pronom démonstratif ta