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LES IDÉES LATENTES DU LANGAGE.


ticale est identique mais ils sont loin de nous présenter de la même manière l’idée exprimée par la racine. Les uns attachent cette idée à un être ou à un objet qui fait l’action ainsi άγόζ est celui qui conduit, άρχόζ celui qui commande, τροχόζ est la roue qui court, όχοζ le char qui transporte. Les autres prennent l’idée marquée par la racine dans le sens passif et représentent un être ou un objet qui subit l’action : ainsi δόμοζ ; désigne ce qui a été bâti, la maison ; λοπόζ s’applique à ce qui se pèle ou ce qui a été pelé, l’écorce ; σκοπόζ veut dire ce qui est regardé, le but. Enfin, d’autres marquent d’une façon abstraite l’action elle-même : δρόμοζ est l’action de courir, comme τρέμοζ celle de trembler et στόνοζ celle de gémir. La même formation peut donc correspondre à des catégories logiques fort différentes d’une seule classe de mots, notre esprit a tiré des noms à signification active, passive et abstraite. Il serait aisé de faire sur le latin ou le sanscrit la même épreuve que sur le grec en sanscrit, par exemple, le suffixe a, qui correspond à l’o grec, se joint à la racine vah « transporter », pour faire vaha « celui qui transporte » combiné avec la racine bhar « porter », il forme le mot bhara « ce qui est porté, un poids » ; joint à la racine budh « savoir », il donne bôdha « l’intelligence ». Beaucoup de ces noms peuvent être pris tour à tour dans des sens différents. Ainsi le grec τόκοζ signifie à la fois la naissance et l’enfant, δρόμοζ marque en même temps la course et l’espace parcouru, τόνοζ a le double sens de tension et de corde. C’est une chose remarquable que la


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