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FAUSSES PERCEPTIONS.

Nous venons de voir que la perte d’une désinence peut ajouter à la valeur significative de ce qui survit. Les phénomènes bien connus de l’Umlaut et de l’Ablaut tirent de là la plus grande partie de leur importance.

On sait que la différence de voyelle entre man et men, entre Vater et Väter n’est nullement primitive, mais que « l’adoucissement » de l’a en e ou en ä est dû à l’influence d’une syllabe finale autrefois présente, mais plus tard emportée par l’usure du temps. Cette différence de voyelle suffit pour distinguer le pluriel du singulier. Elle a même d’autant plus de valeur qu’elle est seule aujourd’hui à marquer un important rapport grammatical. Cette façon de marquer le pluriel, si elle avait pu être introduite partout, aurait eu le mérite de l’élégance et de la brièveté.

On ne peut penser à la différence entre man et men sans songer aussitôt à la différence qui existe dans la conjugaison entre les divers temps de certains verbes : sing, sang, sung. Là aussi le sentiment présent de la langue n’est point d’accord avec l’histoire. Il semble que cette variété de voyelles ait été inventée exprès pour marquer la variété des temps. Cependant il n’en est rien : en remontant de quelques siècles en arrière, on constate qu’elle n’est qu’un accompagnement d’autres exposants, lesquels sont les exposants significatifs et véritables. La