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LES LOIS INTELLECTUELLES DU LANGAGE.

Les faits de ce genre sont plus aisés à observer dans les langues modernes que dans les langues anciennes. On en devine aisément la raison, qui n’est autre que le manque de documents antérieurs. Toutefois, nous voyons qu’en latin l’e de dulce, nobile, fait l’effet d’être le signe du neutre, quoique le neutre soit simplement reconnaissable à l’absence de désinence. Il suffit de rapprocher le grec ἴδρις, neutre ἴδρι, ou εὔχαρις, neutre εὔχαρι, pour voir que l’e de dulce tient la place d’un ancien i final.

Si l’on pouvait interroger un contemporain d’Auguste sur l’impression qu’il a des mots comme onus, scelus, il dirait sans doute que la syllabe us est là pour marquer la désinence. Un Grec, dans l’imparfait ἔλυε, dans l’aoriste ἔλυσε, pensait sentir la troisième personne, quoique la marque de cette troisième personne (un t) fût tombée.

Une autre sorte de fausse perception est de croire à la présence de formes grammaticales qui n’ont jamais existé. En latin, la déclinaison est au pluriel d’un cas plus courte qu’au singulier : en effet, le datif et l’ablatif ne possèdent et n’ont probablement jamais possédé qu’une seule et même désinence plurielle. Cependant ce déficit n’est pas senti. On le sent si peu que les linguistes ne sont pas encore d’accord pour savoir quel est, des deux cas, celui qui manque.

    mitive de Kind et de child, voir les Mémoires de la Société de linguistique, t. VII, p. 445.