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LA SURVIVANCE DES FLEXIONS.

Moyennant quelques précieux restes de ce genre, on peut dire que la déclinaison des pronoms subsiste à peu près tout entière en français.

Le datif continue de se faire sentir quand nous disons : « Accorde-moi ta protection, donne-toi du repos, ne nous faisons pas d’illusions, n’allez pas vous chercher des regrets ».

L’accusatif existe pareillement. Il y aurait quelque chose de blessant pour notre syntaxe intérieure à dire en une seule phrase : « Où se sont cachés, qui a dispersé nos amis ? »


Une autre forme latine qui continue de vivre, bien qu’en apparence elle ait succombé, c’est le neutre. Peut-être même en faisons-nous un plus grand usage que les Latins. Nous disons : « Le beau, le vrai, le bien, l’honnête, l’utile, l’agréable, l’infini, l’intelligible, le contingent, le nécessaire, l’absolu, le divin ». La langue philosophique en est remplie. De même la critique littéraire, « le fin, le délicat, le romanesque, l’atroce ». « Xavier de Maistre, dit Sainte-Beuve, a trouvé sa place par le naïf, le sensible et le charmant. » La Bruyère parlant de Rabelais : « Où il est mauvais, il passe bien au delà du pire… Où il est bon, il va jusqu’à l’exquis et à l’excellent. »