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IRRADIATION.

tifs de toute forme[1]. On voit même alors le suffixe diminutif s’attacher à des pronoms : ullus (pour unulus), singuli, ningulus, en sont des exemples. Tout le monde sait quelle est la richesse de l’italien. Quelque chose de semblable s’observe aussi dans certains dialectes de l’allemand moderne[2].


L’irradiation peut, pour le linguiste, devenir une cause d’erreur, s’il s’obstine à vouloir trouver dans le mot l’énoncé textuel de ce qu’il dit à l’esprit. Je ne connais guère de suffixe un peu significatif qu’on n’ait essayé d’expliquer à l’aide d’un substantif ou d’un verbe. Encore tout récemment on a voulu voir dans monumentum, argumentum le verbe memini[3]. D’autre part, Pott voulait reconnaître dans les noms patronymiques comme Ἀτρείδης, Πηλείδης le substantif εἶδος, « apparence », quoique des noms comme Πριαμίδης, Τελαμωνιάδης, où le même suffixe se présente sous une forme différente, eussent dû lui suggérer des doutes. C’est ainsi encore que Corssen a cru voir un verbe kar, « faire », dans des mots comme volucer ou comme ambulacrum, une racine bhar, « porter », dans celeber, cribrum.

  1. Nous citerons à titre d’échantillons : animula, apicula, avunculus, agellus, corolla, bacillum, etc. Un diminutif est à la base de somnolentus, fraudulentus, violare
  2. Voir Grimm, Grammaire allemande, III, 688.
  3. On sait que le suffixe mentum est le développement de men : augmen, augmenlum ; segmen, segmentum.