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LOI DE RÉPARTITION.

quée chez l’un et gouvernant toute la vie chez un autre.

Rien au fond n’est plus naturel ni plus nécessaire que la répartition, puisque notre intelligence recueille les mots de différents âges, de différents milieux, et qu’elle serait livrée à la plus absolue confusion si elle n’y mettait un certain rangement. Ce que font les recueils de synonymes, nous le faisons tous : quand on examine les termes que l’usage distingue ou subordonne, on constate que l’étymologie justifie rarement les différences que nous y mettons. Si nous prenons, par exemple, les mots de genre et d’espèce, quel motif y avait-il à donner plus de capacité au premier qu’au second ? À l’embranchement qu’à la classe ? Si nous prenons les mots de division, brigade, régiment, bataillon, ces termes techniques, si exactement subordonnés les uns aux autres, n’ont cependant rien qui les désignât spécialement à telle ou telle place. Peut-être ferions-nous une constatation semblable s’il nous était possible de remonter jusqu’à l’époque où a été constituée la série des noms de nombre.

En passant des idées matérielles aux idées morales, nous verrions encore mieux les effets de la répartition. Entre l’estime, le respect, la vénération, on n’aperçoit nulle gradation imposée par l’étymologie. Il a fallu des esprits exacts et précis, une société ordonnée et soucieuse des rangs, pour