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L’HISTOIRE DES MOTS.

pronom possessif, his, her, its, dont les langues romanes ne possèdent pas l’équivalent. C’est elle qui a enrichi la conjugaison française de temps que ne connaissait point le latin. Elle fait concourir à un seul et même but des phénomènes d’origine très différente. Elle infuse une signification à des syllabes primitivement vides ou indifférentes…


Nous arrivons de la sorte à une question extrêmement importante et délicate : jusqu’à quel point l’intention a-t-elle une part dans les faits du langage ? Les linguistes modernes, en général, sont très nets pour repousser l’idée d’intention. Tout au plus admettent-ils que des accidents survenus fatalement et sans aucune prévision aient été utilisés d’une façon spontanée et inconsciente. Il est certain qu’on a singulièrement abusé autrefois des intentions prêtées au langage, et qu’on lui a attribué dans le détail toute sorte de distinctions et d’arrière-pensées dont il est innocent. Mais la doctrine contraire n’est pas moins éloignée de la vérité. Il semble que la linguistique moderne confonde l’intelligence avec la réflexion. Pour n’être pas prémédités, les faits du langage n’en sont pas moins inspirés et conduits par une volonté intelligente. Entre l’acte populaire qui crée subitement un nom pour quelque idée nou-