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LOI DE SPÉCIALITÉ.

fait dans les plus anciens monuments qui nous ont conservé la langue latine. Au contraire, dans les textes védiques, nous voyons encore à l’état d’adverbes les mots qui sont devenus les prépositions bien connues per, ob, ad, sub, super, ab

À partir du jour où la langue possède des prépositions, l’existence de la déclinaison est menacée. À quoi bon, en effet, ces cas qui n’ajoutent rien au sens ? La préposition ne suffit-elle point ? Elle suffit parfaitement, et même elle fait un meilleur usage, car elle marque d’une façon précise et explicite des rapports que la flexion indique de manière vague et générale. En outre, elle est d’un usage plus commode, car elle est toujours semblable à elle-même, toujours aisément reconnaissable. Cependant, comme rien ne se fait vite quand il s’agit d’habitudes séculaires communes à de grandes masses d’hommes, les désinences ne disparaissent pas en une fois ni du premier coup. Elles commencent par devenir incertaines. On les emploie avec distraction, on les confond les unes avec les autres…

Les premiers symptômes de cette transformation remontent beaucoup plus haut qu’on ne le croit d’ordinaire. On a souvent cité le passage de Suétone où,

    lacrimam demisit), ἀπὸ accompagne le génitif plutôt qu’il ne le régit. Il en est de même de ἐπί avec le datif : οἷσιν ἐπὶ Ζεὺς θῆκε κακὸν μόρον (quibus Jupiter imposuit malam sortem). Ou de l’accusatif avec περί : νῆσον τὴν πέρι πόντος ἀπείριτος ἐστεφάνωται (insulam quam circum pontus infinitus ambit). On pourrait aussi bien, dans ces exemples, supposer que la particule de lieu détermine les verbes.