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L’HISTOIRE DES MOTS.

siècles et le bienfait d’une longue suite de penseurs est d’affranchir et d’émanciper les mots, sans cependant les rendre pour cela entièrement étrangers à leurs parents ni à leur lieu d’origine.

Le seul cas où il puisse être légitimement parlé de pathologie, c’est le cas où un mot est employé par erreur pour un autre, soit à cause d’une ressemblance de son, soit par suite de quelque autre accident. Telle est la confusion qui s’est faite dans les esprits entre habit et habillé : ce dernier, qui devrait s’écrire abillé, est une expression métaphorique dont la signification est « apprêté, arrangé ». Elle a été d’abord employée en parlant du bois. Nous disons encore aujourd’hui : du bois en bille. Le souvenir de l’ancien sens s’est conservé dans quelques locutions, telles que : habiller un poulet, le voilà bien habillé[1] ! Ici encore, nous constatons la fidélité des locutions, lesquelles continuent leur existence sans se soucier du courant général.


Une langue ne se compose pas seulement de mots et de locutions, il faut un appareil pour contenir et maintenir ces matériaux.

Guillaume de Humboldt dit que nous portons dans

  1. Nous empruntons cette étymologie à une communication verbale de M. Gaston Paris à la Société de linguistique.