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L’HISTOIRE DES MOTS.

logie du langage, a réuni un certain nombre de faits du même genre. Nous ne pouvons assez recommander la lecture de ce morceau, qui est un extrait de son grand dictionnaire, et comme un recueil de cas intéressants et curieux[1]. Mais ce que le grand savant français appelle pathologie est le développement normal du langage et l’événement de tous les jours. Les langues ne se prêtent qu’à ce prix à l’expression d’idées nouvelles ; il n’y a point là de maladie : quand elles sont arrivées par un circuit à créer quelque terme nouveau, elles effacent le chemin par où elles ont passé. Aussi l’étymologie n’a-t-elle la plupart du temps qu’un intérêt historique. Dans la vie de tous les jours, dans la discussion d’idées philosophiques ou politiques, l’examen des origines d’un mot peut constituer un point de départ ; mais ce ne serait pas la preuve d’un esprit bien fait d’y insister trop fortement et d’en tirer de trop longues ni de trop importantes conséquences.

Les mots, a-t-on dit avec raison, sont des verres qu’il faut polir et frotter longtemps, faute de quoi, au lieu de montrer les choses, ils les obscurcissent. Le souvenir trop présent de l’étymologie nuit souvent à l’expression de la pensée, qu’il risque de troubler par toute sorte de faux reflets. Le travail des

  1. Littré, Études et glanures. (Ce morceau a été réédité dans la Bibliothèque pédagogique, Delagrave.)