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L’HISTOIRE DES MOTS.

être plus ancienne, n’en est pas moins de même espèce.

Nous conclurons qu’en matière de langage, il y a une règle qui domine toutes les autres. Une fois qu’un signe a été trouvé et adopté pour un objet, il devient adéquat à l’objet. Vous pouvez le tronquer, le réduire matériellement : il gardera toujours sa valeur. À une condition toutefois, savoir, que l’usage qui attache le signe à l’objet signifié reste ininterrompu. Reconstruire une langue avec le seul secours de l’étymologie est une tentative risquée, qui peut réussir jusqu’à un certain point pour le commun des mots, mais qui vient se heurter à ce genre particulier d’obstacle résultant des locutions. On le sent bien quand on déchiffre un texte dont la langue ne nous est point parvenue par une tradition vivante. L’origine des mots est souvent claire, la forme grammaticale ne laisse prise à aucun doute, mais le sens intime nous échappe. Ce sont des visages dont nous découvrons les traits, mais dont la pensée reste impénétrable. Les seules langues anciennes que nous connaissions véritablement sont celles qui nous sont arrivées accompagnées de lexiques et de commentaires : le latin, le grec, l’hébreu, le sanscrit, l’arabe, le chinois.


Littré, dans un charmant travail intitulé : Patho-