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L’HISTOIRE DES MOTS.

larges sont par là même ceux qui ont le plus d’aptitude à se prêter à des usages nombreux. Au mot d’opération, s’il est prononcé par un chirurgien, nous voyons un patient, une plaie, des instruments pour couper et tailler ; supposez un militaire qui parle, nous pensons à des armées en campagne ; que ce soit un financier, nous comprenons qu’il s’agit de capitaux en mouvement ; un maître de calcul, il est question d’additions et de soustractions. Chaque science, chaque art, chaque métier, en composant sa terminologie, marque de son empreinte les mots de la langue commune. Supposez maintenant qu’on recueille à la file, comme font nos dictionnaires, toutes ces acceptions diverses : nous serons surpris du nombre et de la variété des significations. Est-ce indigence de la langue ? Non. C’est richesse et activité de la nation.

J’ai sous les yeux un dictionnaire français-allemand où, pour gagner de la place, l’auteur commence par distinguer dans la langue française 234 occupations, sciences ou professions différentes, dont il donne la liste et dont chacune est accompagnée d’un numéro d’ordre. Le lecteur est averti qu’il doit toujours se reporter à ce tableau. Quand le mot est suivi d’un 1, il est pris comme terme de théologie, 7 indique l’anatomie, 9 l’arithmétique, 21 l’astronomie, 51 la langue des charpentiers, 188 celle des relieurs, 233 celle du voiturier. Un