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L’HISTOIRE DES MOTS.

usage, nous avons encore les composés extraire, soustraire, distraire, les substantifs trait, attrait, retraite.

Pareille aventure est arrivée à muer, qui a dû céder la place, sauf un petit coin, à un nouveau venu, le verbe changer. Commuer et remuer ont survécu à la ruine de leur primitif. C’est également l’histoire de sevrer, que séparer a dépossédé presque entièrement. Cette sorte de lutte, ou, comme on l’appelle en langage darwinien, de concurrence vitale, est particulièrement frappante quand les deux concurrents sont, comme dans le dernier exemple, des enfants de même souche. Cette parenté d’origine ne change d’ailleurs rien au fond des choses.

Dans nos provinces du centre, vers le xvie siècle, l’r placé entre deux voyelles prit le son d’un s ou d’un z. Ce changement de prononciation détermina le changement de chaire (cathedra) en chaise. Commines, au xve siècle, disait encore : « Ladite demoiselle était en sa chaire et le duc de Clèves à côté d’elle ». La forme moderne ayant prévalu, l’ancien vocable a dû battre en retraite, ne se maintenant que pour désigner le siège du professeur ou du prédicateur.

Tout mot nouveau introduit dans la langue y cause une perturbation analogue à celle d’un être nouveau introduit dans le monde physique ou social. Il faut quelque temps pour que les choses s’accom-