Page:Bréal - Essai de Sémantique.djvu/316

Cette page a été validée par deux contributeurs.
300
QU’APPELLE-T-ON PURETÉ DE LA LANGUE ?

Ils aimaient et estimaient la besogne dont ils s’étaient volontairement chargés. Ils en connaissaient l’importance, car « il ne faut qu’un mauvais mot pour faire mépriser une personne dans une compagnie, pour décrier un prédicateur, un avocat, un écrivain. Enfin, un mauvais mot, parce qu’il est aisé à remarquer, est capable de faire plus de tort qu’un mauvais raisonnement, dont peu de gens s’aperçoivent. » Ils ont conscience de la durée de leur œuvre : « Je pose des principes qui n’auront pas moins de durée que notre langue et notre empire… Ce sont des maximes à ne changer jamais,… car quand on changera quelque chose de l’usage que j’ai remarqué, ce sera encore selon ces mêmes remarques que l’on parlera et que l’on écrira autrement[1]… »

On aurait tort de les prendre pour des logiciens à outrance. Au contraire : ils étaient arrivés à la conviction que la logique pouvait être de mise partout, mais non en matière de langage… « C’est la beauté des langues que ces façons de parler sans raison, pourvu que l’usage les autorise. La bizarrerie n’est bonne que là… Il est à remarquer que toutes les façons de parler que l’usage a établies contre les règles de la grammaire, tant s’en faut qu’elles soient vicieuses, ni qu’il faille les éviter, qu’au contraire on en doit être curieux

  1. Vaugelas, Remarques sur la langue française.