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QU’APPELLE-T-ON PURETÉ DE LA LANGUE ?

car la linguistique moderne n’est que trop disposée soit à nier, soit même à condamner leur influence.

Ces bons esprits, qui s’appelaient Du Perron, Coeffeteau, Malherbe, La Mothe Le Vayer, Vaugelas, Chapelain, Bouhours, n’étaient pas des savants de métier, mais pour la plupart des gens du monde qu’un goût naturel avait conduits à s’occuper des problèmes ou difficultés de la langue française. Ce qu’ils avaient en vue, c’est par-dessus tout la pureté de la langue ; ce qui signifiait d’une part : clarté, et d’autre part : décence. Élaguer les expressions impropres ou mal venues, faire la guerre aux doubles emplois, écarter tout ce qui est obscur, inutile, bas, trivial, telle est l’entreprise à laquelle ils se vouèrent avec beaucoup d’abnégation et de persévérance.

Ils cherchaient les règles, au besoin ils les inventaient. C’étaient « de belles règles ». Vaugelas déclare qu’il a trouvé « mille belles règles » dans les écrits de La Mothe Le Vayer. « Je tiens cette règle, dit-il ailleurs, d’un de mes amis qui l’a apprise de M. de Malherbe, à qui il faut en donner l’honneur. » Et plus loin encore : « Cette règle est fort belle et très conforme à la pureté et à la netteté du langage… Certes, en parlant, on ne l’observe point, mais le style doit être plus exact… Les Grecs ni les Latins ne faisaient point ce scrupule. Mais nous sommes plus exacts, en notre langue et en notre