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QU’APPELLE-T-ON PURETÉ DE LA LANGUE ?

ment, existe chez beaucoup de savants : s’ils ont à se décider entre deux formes grammaticales, entre deux constructions, c’est ordinairement vers la plus ancienne qu’ils penchent. Ainsi en Allemagne c’est le moyen haut-allemand qui sert de critérium. Il appartient à chaque nation de voir jusqu’où elle peut porter son regard dans le passé en se gardant de perdre le contact avec le présent.


Il est impossible que le néologisme, après s’être essayé sur les mots, n’en vienne pas à s’attaquer aussi à la construction et à la grammaire. Mais il y rencontre une résistance plus grande. C’est à peine si, jusqu’à présent, nous pouvons compter trois ou quatre tours nouveaux qui aient plus ou moins réussi à se faire adopter. Il y a à ceci de bonnes raisons. Changer la construction, changer les locutions, c’est toucher aux œuvres vives : c’est s’attaquer à un patrimoine qui représente des siècles de recherche et d’efforts.

Il n’est que juste de faire ici la part d’une suite de travailleurs obscurs, modestes, dont le nom est aujourd’hui rarement cité, mais dont l’œuvre subsiste : je veux dire la série des grammairiens français, depuis Ménage jusqu’à d’Olivet. Je tiens à marquer ici la part de reconnaissance qui leur est due,