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QU’APPELLE-T-ON PURETÉ DE LA LANGUE ?

Les défenseurs de la pureté ne se refusent pas absolument à ces considérations. Mais ils recommandent — s’il faut se résoudre à l’emprunt — d’aller plutôt s’adresser à une langue sœur, comme qui dirait, s’il s’agit du français, à l’italien ou à l’espagnol, ou s’il s’agit de l’anglais, au danois ou au hollandais. On admettra plus facilement ces mots congénères, ainsi qu’on admet plus volontiers (c’est Leibniz qui parle) les étrangers qui, par leurs coutumes et leur manière d’être, se rapprochent de nos propres usages. Le conseil est excellent, mais il n’est pas toujours facile à suivre, car s’il faut prendre les objets nécessaires à la vie là où ils se trouvent, on ne peut prendre les mots que chez ceux qui les possèdent. Beaucoup de termes de la vie parlementaire sont anglais, parce que l’Angleterre a donné le premier modèle du système constitutionnel. D’autre part, si la langue anglaise désigne de mots français beaucoup de choses qui se rapportent aux élégances de la vie, c’est que les choses elles-mêmes sont venues de France.

Au moins, a-t-on dit, il faut modifier les mots pour qu’ils deviennent méconnaissables, et que l’emprunt ne frappe pas les yeux. — À cet égard l’on pouvait tranquillement s’en remettre autrefois à l’usage populaire : il avait bientôt fait d’habiller l’étranger d’un costume qui l’empêchait d’attirer les regards. Mais aujourd’hui les choses sont un peu