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peler la première). De cette façon déjà il s’oppose à l’univers. Quant à la seconde, elle ne nous éloigne pas encore beaucoup de nous-mêmes, puisque la seconde personne n’a d’autre raison d’être que de se trouver interpellée par la première. On peut donc dire que la troisième personne seule représente la portion objective du langage.

Ici encore il est permis de supposer que l’élément subjectif est le plus ancien. Les linguistes qui ont essayé de décomposer les flexions verbales devraient s’en douter : tandis que la troisième personne se laisse assez bien expliquer, la première et la seconde personnes sont celles qui opposent le plus de difficultés à l’analyse étymologique.

Une observation analogue peut être faite sur les pronoms. Il n’a pas suffi d’un pronom « moi » : il a fallu encore un pronom spécial pour indiquer que le moi prend part à une action collective. C’est le sens du pronom « nous », qui signifie moi et eux, moi et vous, etc. Mais ce n’est pas encore assez : en beaucoup de langues il a fallu un nombre tout exprès pour indiquer que le moi est pour moitié dans une action à deux. C’est l’origine et la véritable raison d’être du duel dans la conjugaison.

On doit commencer à voir à quel point de vue l’homme a agencé son langage. La parole n’a pas été faite pour la description, pour le récit, pour les considérations désintéressées. Exprimer un désir,