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COMMENT S’EST FORMÉE LA SYNTAXE.

faire abstraction de ces éléments qui, pour n’être pas notés par l’écriture, n’en sont pas moins partie essentielle du langage. Certaines formes de l’impératif lui sont communes, comme on sait, avec l’indicatif : il n’y a cependant aucune raison pour les regarder comme empruntées à l’indicatif. Je suis porté à croire, au contraire, que l’impératif est le premier en date, et qu’à l’inverse de ce qu’on enseigne, là où il y a identité, c’est l’indicatif qui est l’emprunteur. Peut-être ces formes si brèves, comme ἴθι, « viens ! » δός, « donne », στῆτε, « arrêtez ! » sont-elles ce qu’il y a de plus ancien dans la conjugaison.


Nous avons fait allusion au dédoublement de la personnalité humaine. Il y a dans la conjugaison sanscrite et zende une forme grammaticale où ce dédoublement se laisse apercevoir à découvert ; je veux parler de la première personne du singulier de l’impératif, comme bravāni, « que j’invoque », stavāni, « que je célèbre ». Si bizarre que puisse nous paraître une forme de commandement où la personne qui parle se donne des ordres à elle-même, cela n’a rien que de conforme à la nature du langage[1]. Cette première personne dit plus brièvement

  1. On s’est demandé si cette première personne en ni est ancienne ou si elle est une acquisition relativement récente. Sa présence en zend,