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LA LOGIQUE DU LANGAGE.

Une fois en possession de cette construction, le langage la retourne comme ferait le mathématicien d’une équation algébrique : il la met au passif. Rogatus sententiam, edoctus litteras, id jubeor, διδάσκομαι τὴν μουσικὴν, κρύπτομαι τοῦτο τὸ πρᾶγμα : toutes constructions qu’on aurait peine à comprendre sans la logique particulière dont nous avons parlé.


Si nous voulons comprendre le troisième emploi de l’accusatif, qui est de marquer la durée, il nous faut retourner à la signification originaire. L’espace et le temps étant, pour la logique du langage, deux choses toutes semblables[1], on dira de la même façon jusqu’à quelle époque une action s’est continuée et jusqu’à quel endroit s’est prolongé un mouvement : des deux parts, l’accusatif marque la direction. Démosthène, rappelant que la puissance des Thébains a duré depuis la bataille de Leuctres jusqu’à ces derniers temps, s’exprime ainsi : ἴσχυραν δέ τι καὶ Θηβαῖοι τοὺς τελευταίους τουτουσὶ χρόνους μετὰ τὴν ἐν Λεύκτροις μάχην. Pour dire que Mithridate en est à la vingt-troisième année de son règne, Cicéron dit : Mithridates annum jam tertium et vicesimum regnat.

  1. On peut s’en assurer en examinant les adverbes de lieu, comme hic, ubi, inde,… qui servent également à exprimer une idée de lieu et une idée temporelle.