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LA LOGIQUE DU LANGAGE.

Cet emploi s’est conservé dans la langue poétique : Hac iter Elysium, dit la prêtresse de Virgile[1]. On retrouve le même tour dans certaines exclamations : Malam crucem, « va-t’en au diable ».

Nous avons pris comme exemple le latin : mais ce même emploi de l’accusatif existe en sanscrit. « [Viens] sur la terre, ô Dieu, avec tous les Immortels ! » Dēva, kšām, viçvēbhir amrĭtēbhih.

Du moment que l’accusatif, à lui seul, exprime la direction vers un endroit, il n’est pas étonnant qu’on l’ait joint à des verbes signifiant « aller » : le langage réunit ici deux mots dont l’association était tout indiquée. Ainsi est né un premier emploi syntaxique.

Ibitis Italiam, portusque intrare licebit.
At nos hinc alii sitientes ibimus Afros.

Italiam, fato profugus Laviniaque venit
Littora
[2].

En grec, les exemples sont nombreux :

κνίσση δ’ οὐρανὸν ἶκε[3].
ἔβαν νέας ἀμφιελίσσας[4].
πέμψομέν νιν Ἑλλάδα[5].
  1. Æn., VI, 542.
  2. Les exemples chez les prosateurs sont plus rares. On trouve cependant chez Cicéron : Ægyptum profugisse,… Africam ire,… Rediens Campaniam… Mais, en général, les noms de pays sont précédés d’une préposition : peut-être faut-il faire ici la part des copistes et des éditeurs, lesquels pouvaient aisément ajouter un in ou un ad qui leur paraissait nécessaire.
  3. Iliade, I, 317.
  4. Od., III, 162.
  5. Euripide, Tr., 883.